NRJ, RFM, Radio Canut, Ici et
Maintenant, Radio Libertaire... Ces antennes nées avec les radios libres
perdurent aujourd’hui. Leur corps existe, mais leur âme est-elle toujours la
même ? Les évolutions de la radio, l’arrivée en masse de la publicité, l’essor
d’Internet, le portable, les nouveaux usages de la radio ont-ils modifié l’ADN
de ces stations ?
Maurice, Supernana, Jean
François Bizot, Arthur, Philippe Bouvard, Jean Jacques Bourdin… tous ont écrit
une page de l’histoire de la radio. Par leur impertinence, leurs délires, leur
audace, leur créativité, leurs interviews, leur sens de l’information. Ces voix,
ces talents pris parmi d’autres, ont quitté le monde des vivants pour certains,
ont quitté les médias pour d’autres ou poursuivent leurs affaires. Tous ont
permis à la radio d’être ce qu’elle est et sont ainsi logiquement imités.
Imités seulement.
Les radios libres de Maurice et
les folles nuits de Supernana ont marqué des générations d’auditeurs. A
l’adolescence, ils étaient nombreux à écouter Skyrock ou Fun Radio en cachette
sous leur couette. Certains appelaient le standard. C’était l’heure des défis
dans la rue, des canulars téléphoniques interminables, des confessions intimes…
Ils osaient tout. Alcool, drogues, sexe, capotes, et Rock’N’Roll. Ils ont
inventé le concept d’émission de « radio libre » où l’auditeur et l’animateur
étaient amis sans jamais se voir : la radio devenait le compagnon de celui qui
l’écoutait.
Pour Jean François Bizot,
la radio était un moyen de faire découvrir au plus grand nombre sa passion
de la différence. La culture underground, ce qui veut dire aussi
revendications. Quelles sont les musiques appropriées ?
Le rock
(psychédélique) et le rap. Pour revendiquer quoi ? Les droits des
homosexuels, de la femme (avortement, libération sexuelle)… Voici les bases
de radio Nova, née en 1981. Depuis, elle en a fait naître des talents : Jamel Debbouze, Ariel Wizman, Edouard
Baer. Radio Nova c’est le culte de l’étrange, du refus du conventionnel genre
« je ne fais pas les infos à 7h mais à 6h50 » « j’intègre des fausses publicités
entre deux vraies »…Nova ose, Nova est un laboratoire.
Jean-françois Bizot, fondateur de Nova, décédé en septembre 2007
Ailleurs, c’est terminé.
Souvent, les radios se contentent de cuisiner à toutes les sauces les recettes
qui ont fait leurs preuves. Éventuellement avec de nouveaux ingrédients
(nouveaux journalistes, nouveaux animateurs de radios libres, nouveaux
programmateurs musicaux) mais à la différence d’une nouvelle recette de soupe à
la tomate, c’est souvent moins appétissant. La radio manque de créativité, les
stations se copient entre elles, reprennent ce qui marche à l’étranger (surtout
en matière de musique). Elles n’ont pas forcément tort, ça marche. Les radios ne
cherchent pas le neuf, les auditeurs non plus. Ils ont peur du changement.
Témoins : le départ précipité de Philippe Bouvard d’RTL en 2000 par la nouvelle
direction de l'époque qui voulait rajeunir la grille ; il est revenu quelques
mois plus tard, et la fin de l’émission de Max sur Fun Radio en 2006. La radio
peine à retrouver ses bons chiffres le soir. La majorité se contente de ce
qu’elle trouve. Ce n’est sans doute pas le passage au numérique qui arrangera
les choses.
Les nouveaux projets
déposés sont pour la plupart semblables à des médias déjà en service : deux
nouvelles radios d’info ou des musicales dérivées de stations existantes.
Tout le monde s’accorde à dire que la radio a changé. Si elle a gardé son
indépendance, elle semble avoir perdu son impertinence qu’elle retrouve à
certaines occasions (comme Ouï FM depuis son rachat par Arthur en décembre
2008) mais pour la plupart elles s’enferment dans des moules calibrés par
des durées d’écrans publicitaires, un découpage à la seconde qui ne laisse
pas de place à l’improvisation.
En plus de la forme, l’arrivée
du numérique modifie cruellement les conditions nécessaires à la naissance d’une
radio. Créer une radio en FM c’est simple : un studio avec le matériel adéquat,
un émetteur, de quoi faire le lien entre le studio et l’émetteur plus une
autorisation du CSA… Les appels à candidature étant fréquents et la place
disponible en province, le rêve est accessible. Avec le numérique d’une part,
les coûts matériels seront plus élevés, les appels à candidature moins nombreux
dans un premier temps (il faudra d’abord équiper tout le monde avant de penser à
rééquiper en radios les grandes villes). Les autorisations courent pour 10 ans,
mais il y a la question des radios temporaires. En France, certaines stations
sont autorisées 9 mois par an seulement, est-ce que ça change avec le
numérique ? Sans parler des multiplexes : les regroupements de radios. Comment
intégrer un multiplexe déjà formé ?