1)30 ans après les radios libres, la radio se prépare à une
seconde révolution.
En 2009, la France compte plus
de 1 000 radios. Certaines qu’on entend partout ou presque (France Inter, France
Culture et France Musique) et c’est leur mission (leur plan de fréquence est
élaboré pour qu’on les entende du Nord au Sud) tant est si bien qu’à un endroit
donné, on peut les écouter sur plus de 5 fréquences différentes. Et certaines
autres que l’on ne capte que sur une surface de quelques kilomètres carrés
seulement, parce que c’est leur mission. La proximité, voire l’extrême
proximité. L’émetteur installé sur le toit d’une maison ou d’un mobile home,
perché en haut d’une colline au beau milieu des champs pour arroser de quelques
notes de musiques les villages avoisinants et à l’occasion tenir un stand à la
kermesse de l’école, la finale du championnat de foot ou la brocante annuelle.
C’est un peu caricatural, mais
la radio locale (associative de surcroît) est le reflet exact de ses auditeurs.
On n’imagine pas une radio campagnarde au format adulte ne pas avoir d’émission
de musette le dimanche matin, on n’ose pas monter une radio à Marseille sans
parler de football et à Paris sans parler du périph’ et du RER. La radio locale
fait « causer dans le poste » les gens du coin, en patois local de préférence
(Corse, Alsace, Pays Basque, ces trois régions ont des radios qui usent du
patois) même si le temps de la langue d’Oc et la langue d’Oïl est dépassé.
La
radio locale c’est comme l’épicerie du village, un maillon de la chaîne de la
proximité, si cher au peuple français (il est loin le temps où on se demandait
pourquoi le journal de 13h de Jean-Pierre Pernaut réunissait un téléspectateur
sur deux au moment du déjeuner). Pourtant, la radio locale est arrivée bien
après La Poste, le bureau de tabac et la boulangerie.
Avant 1981, on ne passait pas
des heures à tourner le bouton des fréquences pour trouver son bonheur, il n’y
avait pas grand-chose. Tout ce qui était autorisé c’était les radios publiques.
Il n’y en avait pas autant qu’aujourd’hui : France Info a fête ses 20 ans en
2007, Le Mouv’ a célébré ses 10 ans la même année. Entre ce qui est autorisé et
toléré il y a des différences. La radio publique n’était pas seule. Elle
cohabitait avec des radios périphériques émettant depuis l’étranger pour ne pas
se soumettre à la loi française. Ces radios existent toujours : l’actuelle RTL
(ex Radio Luxembourg aux émetteurs installée dans le Grand Ducher) l’actuelle
Europe 1 (ex Europe N°1 domiciliée en Allemagne) et RMC (Monaco). Avantage de
ces stations : elles diffusaient des programmes qui n’étaient pas soumis au
contrôle du pouvoir (de l’information libre) auxquels il faut ajouter des
émissions de divertissement entrées dans l’histoire (Zappy Max, Salut les
Copains, les Grosses Têtes…).
Le fait le
plus marquant, c’est Mai 68 : la France est dans la rue, les reporters d’RTL et
Europe N°1 aussi. Au cœur des cortèges, ils suivent le mouvement minute par
minute. Les journalistes relatent en direct ce qu’il se passe sur les pavés
parisiens. Pour ne rien rater, RTL usait d’une tactique audacieuse : une chaîne
de reporters, placés dans les étages des boulevards parisiens, et aux premières
loges pour tout observer… et tout dire. Le pouvoir n’aime pas et renomme RTL et
Europe N°1 « radio barricades », elles auraient donné les bons plans aux jeunes
afin de leur éviter les mauvaises rencontres avec les CRS…
La France revendicative a
survécu aux événements de 1968, elle a évolué et suivi les progrès techniques.
Elle s’est dirigée vers la radio : l’émetteur coûtait moins cher. Une dizaine de
radios à Paris, qui s’en contenterait aujourd’hui ? Voici venu le temps des
radios pirates. Les plus célèbres (certaines existent encore) : NRJ,
RFM, Radio Verte, Carbone 14, Radio Canut, Radio Campus, Radio
Bastille, Ici et Maintenant… montées par des jeunes, des syndicats, des
partis politiques et toutes brouillées par l’Etat dès que repérées, renaissant
donc le lendemain sur une autre fréquence, souvent la nuit. Tout ce qui s’y dit
est franc, direct, contestataire. La musique est libre. Il n’y a aucune limite
sauf celle de la police. Son intervention la plus médiatique a eu lieu le jour
ou François Mitterrand et Laurent Fabius ont été arrêtés dans les locaux de
Radio Riposte.
Quelques mois plus tard,
Mitterrand revient en tant que président, il n’attend pas et fait tomber le
monopole. C’est un joyeux bazar. Les fréquences se superposent, les antennes se
livrent déjà une guerre commerciale, il faut légiférer. La Haute Autorité de la
Communication Audiovisuelle (actuel Conseil Supérieur de l’Audiovisuel) est née.
Son rôle : organiser la bande FM, attribuer les fréquences aux radios, en
autoriser certaines et en « interdire » d’autres.
Deuxième acte en 1984 : la publicité.
Personnage principal : NRJ qui risquait le blanc forcé parce qu’elle
émettait trop fort (brouillant France Culture et France Musique) et
diffusait de la publicité clandestine. La Haute Autorité la condamne au
silence pendant un mois. Réaction de la station : une manifestation (avec
le soutien d’artistes comme Dalida). La jeunesse répond présent (NRJ est
écoutée par 1,2 million de personnes en majorité des jeunes) et la sanction
est vite annulée.
Manif d'NRJ en 1984 (archive INA)
Au-delà des 80’s, la radio et
la bande FM ont bien sûr poursuivi leur évolution. A titre d’exemple, en 1981
Bordeaux comptait seize radios (Radio d’Expression Populaire, RLB – Radio Libre
Bordeaux, Radio Bordeaux, Canal 33, Bordeaux Une, Radio 100 – émanation du
journal Sud Ouest, Radio Lambda…) aujourd’hui, trente-cinq, et avec le
numérique ? Quarante-quatre. Neuf de plus. Neuf canaux d’expression
supplémentaires. Et vu que toutes les radios nationales émettent déjà dans la
ville girondine, ces neuf nouvelles stations seront forcément des radios dont on
ignorait encore le nom il y a quelques mois. Seront-elles associatives ?
Locales commerciales ? Nationales ? Communautaires ? Le CSA en décidera.