France
Musique a toujours eu une vie mouvementée depuis sa création. La radio
musicale essentiellement classique de Radio France a connue plusieurs réformes
qui remettaient souvent en question sur son antenne la place des autres musiques
(hors classiques) ainsi que la place de la parole. Des sujets qui n’arrivaient
jamais à mettre tout le monde d’accord. Des changements qui se ressentent sur
les grilles de programmes que Radioscope archive. Et c’est justement sur l’une
d’entre elles que nous allons nous pencher, 20 ans en arrière…
Car à la rentrée
1999, ce n’est pas qu’une simple refonte de l’antenne auquel France Musique aura
droit ; le changement se fait jusqu’au nom !France Musiques se
conjugue pour la première fois au pluriel, donnant de suite le « La » : une
antenne rajeunie, et ouverte à tous les styles musicaux. Une formule mise en
place par Pierre Bouteiller (grande voix de France Inter), alors fraîchement
nommé directeur de la station par le PDG de Radio France, Jean-Marie Cavada.
Ce
Nouveau France Musiques se voulait moins bavarde et plus accessible au grand
public. Et même plus large, avec une émission restée atypique dans
l’histoire de la station, menée par Philippe Manœuvre ! Le journaliste
expert en rock proposait chaque samedi à 18h dans « Fin de siècle » une
relecture du rock qu’il confrontait aux musiques actuelles, tout en offrant une
réflexion autour des œuvres diffusées, accompagné de chroniqueurs (Eric Dahan et
Marie Guilbaud). Pour exemple, la première émission, diffusée le 11 septembre
1999, parlait de Kraftwerk, Tricky, Brian Eno, Nine Inch Nails et de Carl
Craig.
Philippe
Manœuvre y a reçu également bon nombre d’artistes, tant rock qu’électro ou de la
chanson : Arno, Gérard Manset, Mr Oizo, Gérard Herzhast, Pierre Henry,
Philippe Katerine, Jean-Louis Murat, Carlos Santana, les Rita Mitsouko, le
journaliste musical Michka Assayas (actuellement aux commandes de « Very good
trip » chaque soir sur France Inter), et même l’animateur de Ouï FM Dom Kiris
pour parler de son groupe « Les Troubadours du Désordre » ! Des spéciales se
faisaient aussi, notamment autour de la Techno Parade à Paris ou de Noël vu par
le rock. Entendre du Scorpions, Patti Smith, Joni Mitchell ou Madonna sur
France Musiques… Ça parait surréaliste, non ?
Pour le reste de
la grille, la priorité a été faite à des rendez-vous fixes pour mieux se
repérer, avec notamment : une matinale très musicale menée par Claude
Hermann, « Papier à musique » (10h30) où le chef d’orchestre Thierry
Beauvert fait découvrir des compositeurs et de grands dossiers musicaux, et dont
l’œuvre abordée est diffusée ensuite à midi dans « Postlude ». A 14h,
Anne-Charlotte Rémond présente une œuvre différente chaque jour dans « Au fur
et à mesure », et à 17h, Françoix-Xavier Szymczak prépare chaque jour une
éphéméride musicale dans « Au rythme du siècle ». Enfin, la radio se dote
d’un magazine quotidien à 19h avant de lancer le concert du soir : « A côté
de la plaque ».
Le jazz y
gardait une bonne place avec le maintien du célèbre « Jazz Club » le
vendredi soir, « Suivez le thème » d’Arnaud Merlin qui bascule du format
hebdomadaire à quotidienne à 22h30, et la création d’une nouvelle émission à
18h : « Le jazz est un roman » confiée à Alain Gerber, critique de jazz
et écrivain déjà bien connu des auditeurs. Le mercredi soir, place au chant avec
« A pleine voix ».
A noter que parmi
les nouvelles émissions en place cette saison, certaines auront duré dans le
temps, notamment « Un mardi idéal » d’Arièle Butaux qui rassemblait
plusieurs musiciens, ou encore « Étonnez-moi Benoît » le samedi matin, où
Benoît Duteutre évoque l’opérette, la chanson traditionnelle et la musique
légère. Cette émission est toujours à l’antenne actuellement. Pierre Bouteiller
voulait aussi donner une chance à de nouvelles voix (dont Jean-Marie Gauthier,
que nous retrouverons quelques années plus tard sur Nostalgie, puis dans le
réseau France Bleu). La grille du week-end ne subira que quelques changements ;
plusieurs émissions sont maintenues, tout comme la soirée opéra du samedi.
Le directeur de France Musiques,
Pierre Bouteiller, dans son bureau, le 27 mars 2000, à la Maison de la radio, à
Paris. (crédit photo : Jean-Pierre Muller / AFP)
Les producteurs
sont par ailleurs invités à s’annoncer et se désannoncer mutuellement, et
sont encouragés à la liberté de parole dans les émissions de critique, y
compris vis-à-vis des formations musicales de Radio France, Pierre Bouteiller
estimant que France Musique ne devait pas être « un simple appendice de la
politique musicale de Radio France ». Il avait
par ailleurs mis en place une relance la saison suivante de la fameuse
« Tribune des critiques de disques », rebaptisée alors « Le pavé dans la mare »
avec Frédéric Lodéon.
Finalement, cette nouvelle France Musiques
n’aura pas rencontré le succès escompté. La réduction des commentaires qui «
expliquaient » les œuvres a été contestée, tout comme la réduction de la
place accordée aux émissions de musique contemporaine (sujet remis
d’ailleurs sur la table l’été dernier, soit 20 ans plus tard, avec la
suppression cette saison de la case de 23h dédiée aux émissions expérimentales
et contemporaines et déplacées au dimanche soir).
France Musiques redeviendra finalement
Musique au singulier dès la rentrée 2005. A noter que son logo était le
premier d’un relifting complet de l’identité visuelle de Radio France et de ses
logos qui allait être mis en place en 2001. (France Bleu fût la seconde à sa
création en septembre 2000)
Sources utilisées pour la rédaction de cet
article : -
La base de données en ligne de l'Inathèque
- "France Musiques s'ouvre à tous les styles" (Le
Temps - 06/09/1999)
- "Quand France Musique devint France Musiques"
(Le Monde - 10/03/2017)
- "France Musiques, le « s » de la démagogie : Un
appel de 1999" (pétition sur Acrimed.org)