Le DAB+ (pour «
Digital Audio Broadcasting ») est un sujet qui fait parler dans le monde de la
radio depuis des années, et censé marquer l'avenir de la diffusion hertzienne de
la radio. Mais, si la télévision avait réussi sa transition vers le numérique
avec l'apparition de la TNT en 2005, la radio a toujours eu de la peine à faire
la sienne.
Car l'arrivée de
la RNT (ou Radio Numérique Terrestre), on en parle depuis les années 90 ! A
l'époque annoncée sous la norme DAB, il devait s'agir d'une nouvelle révolution
radiophonique, avec une meilleure qualité de son et une offre de radios élargie
par rapport à ce que peut offrir la FM. Des tests avaient été réalisés dans
quelques grandes villes de France, sans aller plus loin. La révolution en
matière de diffusion radio, dans les années 90, sera au final la mise en place
du RDS sur la bande FM...
Le sujet de la
RNT sera toutefois toujours actif dans les années 2000, mais de manière très
confidentielle ; tests, démonstrations, consultations et expérimentations
s'enchaînaient pour mettre en valeur la diffusion sous la norme DAB. Les tests
réalisés par les réseaux nationaux et régionaux sur Paris, Lyon, Marseille,
Nantes et Toulouse avaient permis à l'époque de se rendre compte de ses
avantages, mais la RNT n'avait jamais été évoqué auprès du grand public.
Pourtant, des groupes comme RTL ou NRJ souhaitaient à l'époque que son
développement soit accéléré. (voir
la liste des radios diffusés à l'époque via ces anciennes pages retrouvées dans
les archives de Radioscope)
En 2007, 2 ans
après le lancement de la TNT en France, le gouvernement avait franchi une étape
en faveur de la radio numérique et annonçait les débuts d'un chantier pour son
lancement officiel en France... et le choix du T-DMB comme norme officielle de
diffusion ! Un choix incompréhensible pour beaucoup, dont les radios
indépendantes. Car le T-DMB est une norme conçue pour la vidéo et n'est utilisé
nulle part dans le monde, sauf en Corée du Sud... pour la télévision mobile ! Un
choix donc qui aurait isolé la France des autres pays, qui développent la radio
numérique via le DAB+, qui offre davantage de données multimédias... Il est
donc, de base, difficile de trouver des récepteurs compatibles T-DMB.
Mais le CSA aura
malgré tout lancé un appel à candidatures, avec l'objectif de lancer la RNT en
France d'ici fin 2009. Première étape : Paris, Marseille et Nice. Toutes les
radios nationales avaient répondu présents, avec de nouveaux projets et
entrants. Mais cette RNT peine à arriver et ne verra finalement jamais le jour,
mettant en péril les nouvelles radios autorisées qui espéraient miser sur la FM
en parallèle, en vain : TF1 ferme LCI Radio, qui avait déjà démarré sur le web
en attendant le démarrage de la RNT, et qui fût candidate malheureuse à une
fréquence FM à Paris. Une aventure qui aura duré 2 ans pour TF1... Europe 1
Sport, qui émettait en FM sur Paris, avait réduit ses moyens quelques mois après
son lancement, pour fermer définitivement en ne voyant pas la RNT arriver. Idem
pour RTL-L'Equipe. La faute au choix du T-DMB ?
Pendant ce temps, la RNT réalisait des tests officiels à Nantes, puis Lyon et
Marseille. Des initiatives lancées par des radios locales, indépendantes comme
associatives, qui s'étaient unies pour espérer faire avancer les choses. Les «
nouveaux réseaux indépendants » (Radio FG, Nova, TSF Jazz, Ouï FM, France
Maghreb 2...) avaient rejoint ces expérimentations, en voyant dedans une
solution alternative pour développer leur couverture nationale, là où elles
peinent à obtenir des fréquences FM.
Suite au
précédent échec de 2009, la RNT est remise en question. En 2013, Rachid Arhab,
chargé au CSA du dossier, obtient du gouvernement l'accord d'ajouter le DAB+ aux
normes officielles pour la radio numérique terrestre. Mais comme plusieurs
projets de radios avaient jeté l'éponge entre temps, tout a été remis à zéro. De
nouveaux appels à candidatures avaient été lancé début 2012, toujours à Paris,
Marseille et Nice qui restaient les fers de lance pour démarrer la RNT. L'arrêt,
à l'époque, de la télévision analogique permettait par ailleurs d'avoir plus de
place pour de nouvelles radios.
Seulement, il y
eut un couac : l'ensemble des grands groupes privés s'étaient réunies au sein du
« Bureau de la Radio », et l'intention de boycotter cette nouvelle RNT ! RTL Group,
Lagardère Active, NRJ Group et NextRadio TV refusaient de participer aux appels
à candidatures. Selon le Bureau : "Le projet RNT, tel qu’il est présenté
aujourd’hui, n’a fait l’objet ni d’une instruction technique et économique
approfondie, ni de la recherche d’adhésion qui auraient permis de garantir son
succès (...) Aucune étude d’impact sérieuse n’a été conduite ou communiquée sur
l’effet de ce lancement sur le marché publicitaire de la radio et les charges
d’exploitation des opérateurs."La RNT apportant de nouvelles radios, les radios
historiques craignaient aussi un renforcement de la concurrence, alors que,
paradoxalement, elle préféraient miser sur internet, où la concurrence entre
radios est infini... Idem pour Radio France et RFI, dont le gouvernement n'avait
pas préempté de canaux, pour des raisons financières. Mais ce frein ne bloquera
pas le CSA qui compte bien lancer la RNT, tout comme les radios indépendantes
qui avaient milité pour.
Entre la
délivrance des autorisations et le lancement, ce second essai de la RNT aura
connue d'autres embûches : un recours gracieux au CSA déposé par NRJ Group, des
multiplex abandonnés faute d'accord entre radios sur le choix de l'opérateur
chargé d'exploiter le multiplex concerné, et l'abandon de plusieurs radios avant
le lancement : R2O (projet de radio pour les enfants), Nova, Skyrock, Radio
Classique etc. Au final, la RNT sera officiellement lancée sur Paris et
Marseille le 20 juin 2014, et 2 mois plus tard à Nice, après 20 ans de galères.
Un lancement resté malheureusement confidentiel.
Aucune communication n'a été
faite auprès du grand public pour leur annoncer l'existence de la radio
numérique. Tout comme les récepteurs DAB+ qui étaient difficiles à trouver dans
le commerce... Seuls plusieurs radios concernées en avaient fait la promotion
auprès de leurs auditeurs, avec parfois l'organisation de jeux pour faite gagner
des récepteurs. L'offre, quant à elle, était essentiellement composée de radios
indépendantes locales et nationales et de radios associatives, dont certaines
étaient déjà présentes en FM, et de nouveaux projets comme Crooner, qui a
été par ailleurs un des acteurs les plus engagés en faveur de la radio numérique
dès la mise en place du premier chantier.Quand à la
norme T-DMB, elle cohabitait avec le DAB+ qui restait dominant ; rares étaient
les radios qui avaient choisi d'émettre en T-DMB. Face à la rareté des postes
compatibles, ces radios abandonneront le T-DMB quelques années plus tard au
profit du DAB+ qui devint ainsi la norme unique pour la radio numérique en
France.
Il faudra
attendre 2018 pour que le DAB+ accélère son développement, avec des lancements
dans de nouvelles régions, dont Lille et les Hauts-de-France, Strasbourg et
l'Alsace, Lyon, Nantes... Entre temps, de nouvelles radios se lancèrent en
misant sur le développement progressif du DAB+ pour espérer développer leurs
couvertures de diffusion : la chaîne Melody lance sa
radio musicale vintage, la radio associative nantaise Euradio s'installe dans de
nouvelles villes tout comme la lyonnaise Cap Sao, Radio Pitchoun envisage de
séduire les enfants de plusieurs villes... Le CSA s'était
fixé ensuite un calendrier de déploiement sur la période 2020-2023 dans d'autres
nouvelles villes et régions avec deux multiplexs : un étendu (couverture à
grande échelle) et un local (limité à la seule ville). Mais encore une fois, peu
de gens connaissent et écoutent la radio via le DAB+. Le taux d'équipement sera
tout de même rectifié avec une loi imposant aux constructeurs automobiles
d'intégrer le DAB+ dans leurs autoradios dès la fin 2019, moment où le seuil des
20% de couverture nationale du DAB+ était franchi.
Face à ce
développement national, on s'était longtemps questionné sur le positionnement
des réseaux nationaux. Radio France avait fait un premier petit pas en 2016 en
demandant à diffuser une expérimentation de ses 7 radios dans l'est de Paris
depuis Bagnolet. La réception de plusieurs radios de la FM parisienne a toujours
été compliquée dans ce secteur à cause des puissances de diffusion des radios
émises depuis les tours des Mercuriales à proximité. Cette diffusion avait permis
de démontrer une utilité du DAB+ : offrir une solution alternative pour recevoir
des radios difficiles à capter en FM pour diverses raisons. Radio France l'avait
compris et avait préempté quelques places pour installer Fip et Mouv' là ou
elles n'étaient pas en FM. NRJ sera le second groupe à s'intéresser au DAB+ pour
y installer les locales de ses réseaux. Les locales de NRJ, Chérie FM et
Nostalgie commenceront ainsi à postuler et à diffuser sur le DAB+ en local à
partir de 2020 là où c'était possible.
Une nouvelle étape sera franchie en novembre 2018 avec l'annonce successive des
principaux groupes privés nationaux de leur intention de postuler pour
l'ensemble de leurs radios sur deux futurs multiplexs métropolitains déstinés à
une diffusion nationale ! Ils seront lancés le 12 octobre 2021 dans l'axe
Paris/Dijon/Lyon/Marseille, pour ensuite se déployer dans d'autres villes où le
DAB+ est déjà installé, avec l'objectif de couvrir 60% de la population d'ici
mars 2024. On y retrouve l'ensemble des radios de Radio France, des groupes M6,
Lagardère, NRJ, RMC-BFM, ainsi que Radio Classique, M Radio, Skyrock, et des
petits nouveaux : Latina (devenant la première radio nationale du Groupe 1981), AirZen Radio (du groupe Mediameeting), BFM Radio et Skyrock Klassiks. Une autre
nouvelle radio, KTO Radio, rejoindra une place vacante le 4 septembre 2023.
Ainsi, le DAB+ en
France a pris aujourd'hui forme, bien qu'il y reste encore du chemin à
parcourir. Beaucoup de lieux en France ne sont pas encore couverts, tandis
que de
nouvelles villes vont l'accueillir prochainement. La communication, quant à elle,
reste encore faible et la population n'est pas encore très familière avec la
radio numérique. Il y eut une campagne de promotion début 2024 à l'initiative de
l'association « Ensemble pour le DAB+ », mais qui était restée assez timide...
Plusieurs radios en font la mention à l'antenne, y compris des réseaux
nationaux.
Un sujet qui est donc toujours d'actualité, amené à évoluer, et qui cohabite
avec la FM. Du moins... jusqu'en 2033, année de prévision de la fin de la FM,
comme le préconise l'Arcom dans son « Livre blanc de la radio » paru le 18 juin
2024. La Norvège a déjà franchi le pas depuis 2017, et la Suisse le fera à
partir du 1er janvier 2025 avec l'extinction de la FM pour la radio publique. On
verra donc bien d'ici là, lorsque Radioscope franchira le cap des 30 ans...